L’hiver de la culture

CLAIR Jean

Dans le mouroir des musĂ©es, les oeuvres d’art, arrachĂ©es au lieu qui leur donnait sens, agonisent devant les foules incultes. L’art contemporain, sous ses formes contestables ou ineptes, y trouve le statut confĂ©rĂ© par le voisinage des chefs-d’oeuvre. Valeur ajoutĂ©e utilement monnayĂ©e sur un marchĂ© manipulĂ© : des millions s’échangent autour de vaches formolĂ©es, de compositions faites de dĂ©jections humaines, de dĂ©tritus, autour de l’artiste lui-mĂȘme sacralisĂ© dans son geste comme dans son corps, qu’il peut Ă  l’occasion mutiler dans un Ă©lan crĂ©ateur. L’Église et l’État, autrefois mĂ©cĂšnes, encadraient les artistes d’utiles contraintes. Aujourd’hui, ils ont abandonnĂ© ce rĂŽle au prĂ©texte d’un « culturel » qui privilĂ©gie les opĂ©rations commerciales.

 

Excessif et cependant signifiant, Jean Clair, conservateur des musĂ©es de France, auteur de Court traitĂ© des sensations (NB dĂ©cembre 2002), a l’indignation virulente, un verbe imprĂ©cateur argumentĂ© par sa profonde connaissance du sujet et sa hauteur de vue. Son pamphlet reste sĂ©lectif : l’art contemporain ne se rĂ©duit pas Ă  cette image, aux exemples choisis. La dĂ©marche n’en est pas moins pertinente par les tendances qu’elle souligne. L’art mourra-t-il de l’hiver actuel ? Ou renaĂźtra-t-il dans un printemps inattendu ? La rĂ©flexion s’ouvre.