L’herbe des nuits

MODIANO Patrick

« Pourtant je n’ai pas rĂȘvĂ© »  Ces mots il les prononce d’une voix blanche. Non, il n’a pas rĂȘvĂ© : ce sont bien ses lointains vingt ans qui ressurgissent. Ses notes manuscrites en attestent. Dans les annĂ©es soixante, Ă  la CitĂ© Universitaire, il a Ă©tĂ© fascinĂ© par Dannie l’obscure ; il a cĂŽtoyĂ© sa bande trouble, troublante, dangereuse Ă  Montparnasse. Il a accompagnĂ© la jeune femme, l’a raccompagnĂ©e, aimĂ©e, sans doute. « Que dirais-tu si j’avais tuĂ© quelqu’un ? » avait-elle dit un jour. Oui, il avait bien Ă©tĂ© mĂȘlĂ© Ă  un dossier criminel. De loin, certes. Mais pourquoi ? Un Modiano trĂšs « modianesque ». Dans L’horizon (NB avril 2011), les souvenirs du hĂ©ros faisaient Ă©merger du brouillard des silhouettes disparues, une inquiĂ©tude diffuse, un mystĂšre. Avec un alibi policier flou mais nĂ©anmoins prenant, Modiano poursuit ici sa quĂȘte, ses questions rĂ©currentes : porositĂ© entre passĂ© et prĂ©sent, flou du rĂ©el interchangeable avec la fiction, sentiment personnel d’étrangetĂ©. Interrogations sans vraies rĂ©ponses, parfois un peu artificielles, dans cette brume allusive et impressionniste malgrĂ© les fragments de mĂ©moire, secs, prĂ©cis, factuels, quasi obsessionnels.