L’épouse

SUBILIA Anne-Sophie

En 1974, un jeune couple s’installe à Gaza, dans une maison à l’écart de la ville. Sur le toit-terrasse flotte un drapeau de la Croix Rouge. Brillant trentenaire, Vivian est délégué humanitaire pour une mission d’un an, il visite les prisonniers dans les territoires occupés par Israël. Sa femme, Piper, fait quelques traductions, lit beaucoup, achète des objets chez les artisans, presse des citrons pour le vieil homme qui entretient le jardin, découvre en marchant sur la plage le dénuement des familles de pêcheurs. Sans vraiment l’affecter, les traces récentes de la guerre du Kippour, qu’elle découvre lors d’escapades touristiques, lui laissent deviner la violence de la situation dans la bande de Gaza. Isolée par la langue, seule et désœuvrée, elle peine à combler les absences de son mari de plus en plus absorbé par sa tâche.

Après le huis-clos des Neiges intérieures paru en 2020, Anne-Sophie Subilia, Lausannoise, centre son roman sur cette épouse que la vie a toujours choyée. Son statut d’expatriée lui offre des privilèges qui l’isolent un peu plus du monde qui l’entoure. L’écriture claire, précise, magnifiée par la prose poétique, explore les changements qui s’opèrent chez la jeune femme, maladroite parfois, en décalage souvent, ébranlée mais inefficace face aux injustices criantes que subissent à sa porte les Gazaouis. La distanciation du style résonne à la perfection avec son regard naïf et lointain. Dans une construction remarquablement maîtrisée, l’autrice imprime à la gravité du sujet une subtilité hors norme. (P.H. et P.M)