Le tort du soldat

DE LUCA Erri

Familier de l’hĂ©breu, le narrateur Ă©tudie aussi le yiddish, langue des victimes du nazisme. Un jour qu’il lit un texte dans une auberge des Dolomites, un homme ĂągĂ© parlant allemand et une jeune femme quittent prĂ©cipitamment les lieux en l’entendant murmurer involontairement le mot « vĂ©ritĂ© » en hĂ©breu. Le vieil homme finit au fond d’un ravin, victime d’un accident de voiture… Sa compagne, simplement blessĂ©e, rĂ©vĂšle ensuite qu’il s’agit de son pĂšre, criminel de guerre autrichien, devenu facteur sous un faux nom aprĂšs la guerre. Enfin libĂ©rĂ©e d’un pesant secret, elle dĂ©nonce l’absence totale de remords chez ce soldat tortionnaire, pour lequel seule la dĂ©faite de l’Allemagne comptait. HantĂ© par l’holocauste, Erri de Luca (Les saintes du scandale, NB juillet-aoĂ»t 2013) souligne l’incroyable absence de culpabilitĂ© chez le meurtrier, ce qu’exprime aussi sa fille, oscillant entre devoir filial et rĂ©pulsion. Les liens obsessionnels du vieux nazi avec la kabbale sont inspirĂ©s des propres rĂ©flexions de l’écrivain sur le yiddish, l’hĂ©breu, et l’alphabet sur lequel ils reposent. L’angle ainsi adoptĂ© donne aux deux rĂ©cits un tour original mais compliquĂ©. L’ensemble est un peu court, malgrĂ© une Ă©criture poĂ©tique et forte.