Le syndrome de glissement

LAUREAU-DAULL Élisabeth

À quatre-vingt-cinq ans, Julienne rejoint Les Mouettes, maison de retraite lucidement choisie. Elle en observe le quotidien si tristement rythmĂ© : les pensionnaires dont les apparences et les comportements signent leurs dĂ©gradations physiques et mentales, la direction et le personnel aux dĂ©marches souvent caricaturales mais pas forcĂ©ment inhumaines. Julienne devient chroniqueuse : diffusĂ©, son rĂ©cit provoque panique et rĂ©torsions. Cependant prĂ©sent et passĂ© personnels s’y confrontent : la petite fille d’hier, tant aimĂ©e de sa grand-mĂšre dont elle revit la dĂ©chĂ©ance, se revoit enseignante au pays de Colette, jeune cĂ©libataire et femme libre. Elle est aujourd’hui cette spectatrice dĂ©sespĂ©rĂ©e et encore battante qui connaĂźt son lendemain. Dans ce premier ouvrage, oĂč de courts chapitres scandent un temps immobile, l’écriture juste, drĂŽle, les formules cyniques et percutantes clament la misĂšre, la solitude, la souffrance de cet autre encore vivant qui glisse sans bruit vers un oubli inexorable, bien avant sa fin officielle. Et dans cette tragĂ©die silencieuse, quelques pĂąles rayons de compassion diffusent, au travers de ces pages poignantes et fortes, une lueur d’humanitĂ©.