Le rapport de Brodeck

Dans un village isolé d’une région de l’Est imprécise (on y parle le « Deeperschaft », dialecte à consonance germanique), un drame se produit : l’ « Anderer » (l’autre, l’étranger) qui s’y est établi trouble par son comportement les habitants à la conscience écorchée vive, il est sauvagement lynché. Brodeck, également d’origine étrangère, est chargé d’établir un rapport écrit pour relater les événements, sorte de confession collective qui libère les âmes. Lui-même a vécu des moments atroces : deux ans dans un camp d’extermination pendant lesquels sa femme adorée a été violée. Devenue mère d’une fillette, elle ne sait plus que « fredonner sa chanson ».

Sans respecter une ligne chronologique ou géographique rigoureuse, dans une langue d’une pureté admirable (Cf. Les âmes grises, NB novembre 2003) et comme toujours avec beaucoup d’humanité, Philippe Claudel retrace l’horreur des faits, le poids de la lâcheté et de la médiocrité des individus. Il décrit aussi la beauté d’un environnement naturel grandiose, les problèmes liés à l’altérité, les pogroms, la Shoah (sans la nommer). Cruel, tragique, troublant…, poignant, profond. Un roman inoubliable.