Le maître d’armes

DORISON Xavier, PARNOTTE Joël

En cette lugubre journée de 1531, durant laquelle le ciel déverse un flot de trop-plein en continu, l’avenir de deux hommes se joue au cours d’un duel institutionnel. Le vainqueur gagnera la prestigieuse charge de maître d’armes du roy de France : François 1er. Le combat est indécis, mais Hans Stalhoffer, le maître d’armes sortant, semble prendre l’avantage sur le comte Maleztraza après lui avoir brisé son épée. Le combat reprend, mais Maleztraza se voit octroyer le droit de poursuivre et choisit une arme très moderne pour remplacer son épée brisée, une rapière ! C’est la fin pour notre maitre d’armes, qui sort vaincu et gravement blessé. Bien des années plus tard, Stalhoffer, qui s’est retiré dans de lointaines montagnes du Jura, est sollicité par son vieil ami, ancien chirurgien du roy, celui-là même qui l’a remis sur pied, pour lui faire passer les cols et se rendre en Suisse. L’aventure promet d’être périlleuse et dangereuse. Gauvin de Brème est poursuivi par les agents du roy et de la Sorbonne, bien décidés à récupérer ce qu’il entend faire passer à Genève : la première traduction en langue vulgaire du Nouveau Testament. Hans refuse … puis se ravise. Une traque sanglante s’engage.  Sur fond de Réforme et de poursuite par l’Inquisition, le scénario nous donne de multiples facettes de cette période de transition et de nouveautés. La nouvelle religion s’oppose à la toute-puissante religion catholique, jusque dans la langue. De nouvelles armes qui préfigurent de nouveaux combats et de nouvelles guerres. Et toujours cette violence, affichée et proclamée au travers des dessins de Parnotte, servie par les couleurs sombres et glaciales de l’hiver : le vent, la pluie, la neige et ce sang rouge sur ce blanc immaculé. Le ressenti est glaçant ! Le scénario de Dorison est enlevé, sans pause. Les multiples personnages et les bandes armées se croisent et s’entrecroisent dans une poursuite haletante dont on ne voit pas la fin. L’ensemble se termine dans l’esprit chevaleresque, précisément celui-là qui est en passe de s’éteindre en ce début de la Renaissance. Le lecteur est plongé tout au long de l’ouvrage dans une quête de l’honneur, du savoir, de la vérité, de la modernité. La complexité de l’époque et cette éternelle lutte entre l’ancien et le moderne sont présentées avec justesse sous un angle nouveau. Une très belle réussite ! (H.T. et E.B.)