Le corps immense du président Mao

GRAINVILLE Patrick

La révolte de Shan, jeune femme moderne qui vient de rompre avec un père trop possessif, inaugure une chronique de la vie à Shenzhen. Limitrophe de Hong-Kong, cette mégapole constitue le modèle du pragmatisme chinois conciliant socialisme et économie de marché. Lan, enrichi dans l’immobilier, a construit un cimetière grandiose avec vue sur la mer où tout milliardaire se doit d’acheter à prix d’or une concession à perpétuité. Il est aussi l’inspirateur d’un tableau gigantesque du Président Mao, assailli de concubines et d’éphèbes. À ses côtés, Ding Jiao, obsédé par les ex-envahisseurs japonais et leur empereur, ainsi que Shi, chauffeur de taxi, enrichi à la loterie, et An, prostituée de haut vol, butinant de l’un à l’autre… tissant des liens pervers de tous ordres sur fond de passion, de haine et de jalousie.

 

Dans un style d’une richesse verbale qui n’est plus à démontrer – les vagues de chevaux sauvages jaillissant d’un canyon pour se jeter dans la mer sont un vrai morceau de bravoure –, le récit est pétri de sexe et d’érotisme. Parallèlement, se développe la critique acerbe d’un régime politique hypocrite face aux inégalités sociales et à l’exploitation des travailleurs par des entrepreneurs insoucieux des droits de l’homme. Ce roman hybride propose une photographie sans concession d’une société grouillante en proie à ses fantasmes, mais déterminée à dominer le monde.