L’Antarctique de l’amour

STRIDSBERG Sara

« Je m’étais souhaitĂ© la fin et la fin Ă©tait là ». Inni est allongĂ©e dans la forĂȘt. Elle a suivi l’homme qui l’a ramassĂ©e dans la rue, est montĂ©e dans sa voiture, devinant tout. Depuis longtemps, elle cherchait un chemin pour s’extraire du monde, attendant quelque chose ou quelqu’un et le chasseur l’a senti. Maintenant, il lui bande les yeux, et son cri est le signal


« Que deviennent les morts lorsqu’on ne prononce plus leur nom ? ». Depuis son Ă©ternitĂ©, la jeune femme s’interroge, revient sur son chemin douloureux, scrute les vivants et les visite en rĂȘves, Ă©voque des amours dysfonctionnelles et des amitiĂ©s rĂ©elles. Avec la drogue, elle Ă©tait morte depuis longtemps, refaisant surface avec la maternitĂ©, replongeant aprĂšs l’abandon du bĂ©bĂ©. Il y a tant de choses Ă  voir dans ce roman qui se joue des temporalitĂ©s oĂč l’on suit la victime avant, pendant et aprĂšs sa mort. Creuset oĂč se concentrent toute la vulnĂ©rabilitĂ©, l’acceptation et finalement la peur, l’acte barbare revient sans cesse, comme un trait d’union entre les souvenirs. Il traduit chaque fois l’abandon, l’humaine rĂ©bellion et l’inĂ©luctable soumission. L’écriture est fluide, visuelle, retenue et s’y retrouve la poĂ©sie de Beckomberga, Ode Ă  ma famille (Les Notes novembre 2016). Il y a dans ces lignes d’une grande beautĂ© une part de dĂ©sespoir et une part de lumiĂšre et Sara Stridsberg, qui parle de la mort, parle aussi de l’amour. (Maje et S.D.)