La vie hantée d’Anya

BROSGOL Vera

Anya, adolescente d’origine russe dont la famille a émigré aux États-Unis, n’est pas bien intégrée dans le lycée privé qu’elle fréquente. Elle entretient des relations conflictuelles avec sa seule amie, Siobhan l’Irlandaise, également en marge. Elle fuit comme la peste Dima, d’origine russe comme elle, bon élève au comportement servile victime de harcèlement. Un jour, perdue dans ses pensées, elle tombe dans un trou profond. À côté d’elle, un squelette auquel est relié le fantôme d’une toute jeune fille : Emily, tombée là il y a 90 ans, victime d’une tragique histoire, est ravie d’avoir de la compagnie. Elle aide Anya à se faire secourir – mais s’arrange pour la suivre en glissant un os de petit doigt dans son sac. L’adolescente est furieuse, mais la jeune fantôme trouve rapidement comment se rendre utile : souffler les réponses du contrôle en regardant les copies des voisins, ou mieux encore, obtenir l’emploi du temps du beau Sean, de l’équipe de basket, dont Anya s’est entichée bien qu’il soit en couple avec la blonde et parfaite Elizabeth. L’adolescente et son fantôme sympathisent, mais de serviable, Emily se mue peu à peu en manipulatrice inquiétante.  

C’est le deuxième album de Vera Brosgol, Américaine d’origine russe comme son héroïne, publié chez Rue de Sèvres, et une nouvelle réussite (Un été d’enfer ! NB juillet-août 2019). L’autrice excelle à brosser des portraits nuancés et complexes d’adolescentes à cheval sur deux cultures et peinant à trouver leur identité et leur place, mais dont les problèmes d’intégration parleront à tous ! Anya se cherche, rejette une partie de son héritage (l’église orthodoxe, les plats trop nourrissants de sa mère, l’accent russe dont elle s’est débarrassée) et s’efforce de se rapprocher des stéréotypes américains. Elle n’est pas particulièrement aimable au premier abord, uniquement centrée sur sa personne, mais sa mésaventure avec la jeune fantôme qui se révélera aigrie et amère l’aidera à prendre conscience de ses priorités. L’album est prenant dès les premières pages, et la tension monte au fil de la transformation de l’envahissante revenante. Le dessin clair et lisible, solidement encré, en nuances de gris violet, est à la fois efficace et séduisant, et concourt, avec ses personnages aux traits arrondis, à ce qu’on s’attache à l’histoire et à ses héros. Une autrice à suivre. Cet album était déjà paru chez Altercomics en 2013. (M.D.)

Lauréat Prix Livrentête 2021