La préparation de la vie

FELLOUS Colette

Dans la rue, un appel téléphonique : c’est Sam. Il y a quarante ans, il a voulu l’épouser lors d’un extravagant voyage aux États-Unis, sans lendemain. Ce choc émotif, raconte-t-elle aussitôt, déclenche l’écriture d’un roman en souffrance. Elle reprend ce souvenir, beaucoup d’autres, ceux de Roland Barthes surtout, qui éblouit et guida « la préparation de sa vie ». À Sidi Bou Saïd, au-dessus de la mer, elle écrit, revisite son enfance tunisienne, suit le cours des Printemps arabes. Les séminaires de Barthes, les amis, les voyages, les livres, le théâtre, les instants déchirants, délicieux, terrifiants ou stupéfiants… Les tableaux s’entremêlent, avec leur lumière, leurs couleurs. Ces souvenirs, un petit peu complaisants, sont séduisants comme devait l’être la jeune étudiante. Le récit, labyrinthique, les entrecoupe d’interrogations sur le roman : comment mêler présent et passé ? « Écrire je » ? Ces réflexions répétitives, moins séduisantes, se déroulent dans un virevoltant exercice de recherche. Comme dans Un amour de frère (NB octobre 2011), Colette Fellous analyse aussi à plusieurs reprises le mécanisme de l’incident émotif qui libère l’écriture. On peut s’attacher au charme sensible, fantasque du texte ou se fatiguer à suivre ces considérations littéraires.