Homer et le chien formidable

SELFORS Suzanne

Au grand dam de son pĂšre qui a besoin de bras pour la ferme, Homer rĂȘve de devenir chasseur de trĂ©sors, une passion qu’il partage avec son oncle ! Mais cet homme qu’il admire tant meurt dĂ©vorĂ© par une des tortues terrestres du parc de la Grande Ville. L’enfant reçoit de lui un Ă©trange hĂ©ritage : un chien, « tout flasque », un basset triste comme tous les bassets, un chien misĂ©rable, dĂ©pourvu d’odorat, qui cache dans les plis de son cou une mĂ©daille codĂ©e. Homer est bien dĂ©terminĂ© Ă  prendre soin de l’animal et Ă  percer le mystĂšre de la mĂ©daille, qui semble attirer d’autres convoitises…

Le hĂ©ros a douze ans : houspillĂ© par son pĂšre, cajolĂ© par sa mĂšre et moquĂ© Ă  l’école pour ses rondeurs et son inappĂ©tence au sport, il attend impatiemment son heure : celle de l’aventurier qu’il est sĂ»r de devenir. Cet enfant rĂȘveur et lecteur est fait pour accueillir sans rĂ©ticence un chien « diffĂ©rent des autres » et pour vivre des Ă©vĂ©nements Ă©tranges sans plus d’étonnement. Les seconds rĂŽles ne dĂ©parent pas : une grande soeur taxidermiste, une surprenante gĂ©ante, la petite Lorelei et son rat apprivoisĂ©, etc
 Une galerie de personnages bien campĂ©s, insolites et imprĂ©visibles dans leur affectation au camp des « mĂ©chants » ou des « gentils ». Un bonheur pour la dynamique du rĂ©cit dont l’action rebondit en toute fantaisie en des lieux naturellement porteurs d’imaginaire tel le Museum d’Histoire naturelle ! Pour dĂ©coller, sans crier gare, de la plate rĂ©alité : il suffit d’un NuageocoptĂšre. Le nom parle de lui-mĂȘme : poĂ©sie et humour sont au rendez-vous, Ă  la maniĂšre de Roald Dahl. La romanciĂšre inscrit ainsi le fantastique dans le quotidien avec un plaisir  communicatif !

Le choix du prĂ©nom du hĂ©ros n’est pas innocent ! Suzanne Selfors Ă©crit aussi un roman d’initiation : la mort, l’amour, l’amitiĂ©, la trahison, la peur jalonnent un parcours-dĂ©couverte de la vie. À chaque Ă©tape, le hĂ©ros a une dĂ©cision Ă  prendre, un choix Ă  faire : le vrai « trĂ©sor » Ă  reconnaĂźtre, en gagnant en discernement. L’analyse du processus d’apprentissage ne plombe pas le rĂ©cit d’importunes leçons de morale. Elle se lit en filigrane tout comme la rĂ©flexion sur la normalitĂ©, sous-jacente Ă  la construction des personnages : les Ă©tiquettes dont on les affuble ne rĂ©sistent pas Ă  la vĂ©ritĂ© des rencontres. La romanciĂšre s’adresse Ă  des enfants : ces considĂ©rations psychologiques ou sociologiques enrichissent ses personnages sans ternir le plaisir essentiel du roman d’aventure. Telle est l’élĂ©gance de son Ă©criture.