Golden Gate

SETH Vikram

Retenu par un préjugé inhibant, on hésite en ouvrant ce livre inhabituel, publié en 1986, à plonger dans trois cent trente-huit pages de presque sept cents sonnets : l’ouvrage sera pompeux, affecté, difficile voire ennuyeux. Et pourtant… Golden Gate, écrit en décasyllabes, traduit en alexandrins par Claro, est un bonheur. Après le rodage des premières pages et malgré quelques vers moins fluides, on se laisse entraîner par le charme de cette musique élastique, grave ou légère, qui évoque, émeut, creuse, se moque, amuse et dissèque. On l’entend. On entre dans la ronde de ces Californiens trentenaires des années quatre-vingt, restés si naturels, si réels dans leurs désirs, leurs ruptures, leurs marottes, leurs épreuves, leurs engagements, leurs découragements, leurs joies, malgré la déclamation alexandrine. San Francisco la cosmopolite, Golden Gate le mythique, Silicon Valley la modernissime, autant que la très contemporaine lutte anti-nucléaire supportent avec une allégresse intemporelle cette écriture du passé. L’auteur de Un garçon convenable (NB mai 1995) compose là un roman sans équivalent.