De l’autre côté

SCHWARTZ Simon

Par un judicieux système d’aller et retour, un enfant retranscrit l’histoire de ses parents, qu’il émaille de ses propres impressions d’enfance. Celles-ci doivent beaucoup à l’histoire personnelle de Simon Schwartz, né en 1982 en RDA, dont la famille émigra en 1984 à Berlin –Ouest.

À vingt ans, à la fin des années 70, la vie semblait possible en RDA. On piratait, avec prudence, les disques des Rolling Stones, on regardait « de l’autre côté », sans remettre vraiment en cause l’engagement au Parti. Mais à l’austérité des rigides alignements d’immeubles répondent de nouvelles exigences : les études artistiques sont « déconseillées », un étudiant se fait exclure pour avoir suggéré, avec naïveté, une pétition à Margot Honecker. Le décalage entre réalité et foi en l’idéal socialiste s’aggrave et quand la Stasi cambriole le domicile familial, le passage à l’Ouest devient la seule alternative à l’arrestation.

Le témoignage en image est saisissant. Quatre cases serties dans le fond noir de la page, le gris étant la seule nuance admise. Le dessin, assez fruste en apparence, révèle rapidement une grande puissance d’expression.  Les personnages en à plat frappent par leurs yeux immenses et fixes. Apparemment inexpressifs, les visages n’en traduisent que plus fortement la violence des émotions. La rigidité des silhouettes témoigne à elle seule du rejet des parents quand leur unique fils passe à Berlin–Ouest. L’anonymat des personnes rappelle avec la même force que cette histoire particulière est celle d’un pays et d’un peuple.