Chroniques du léopard

APPOLLO, TEHEM

1941, île de la Réunion. Le narrateur raconte : j’étais alors au lycée Leconte de Lisle de Saint Denis. Un rouquin venait d’y faire son entrée, Il s’appelait Turpin. Nous faisions tous les deux le mur au milieu de la nuit, mais seul Turpin s’est fait choper par le surgé ! Et ce nouveau ne m’a pas dénoncé ! Il est forcément devenu mon meilleur copain, foi d’Haorau. Il détonnait parmi les autres ! Il y avait Raymond (Barre) le 1er de la classe surtout en latin, les frères Vergès et bien d’autres…Notre classe était divisée en deux : les fils de bourgeois, plutôt un peu racistes et pétainistes, et les autres qui rêvaient de De Gaulle. Il faut dire qu’il n’y avait ni boche ni anglais dans l’île, ou régnait plutôt faim et racisme ordinaire. Heureusement il y avait aussi le lycée des filles, avec Simone et Adèle. C’est qu’on tombe vite amoureux quand on a 17 ans, et que le soleil tape sous le volcan !  Neuf petites chroniques où, à la manière autobiographique, ces lycéens évoquent leur adolescence rebelle, leur apprentissage de la vie, des premiers amours aux grands engagements. Dans ces années quarante, la société locale baigne dans un colonialisme désuet, la famine est omniprésente, les notables sont ou deviennent vichystes,  les opposants communistes ou gaullistes… Un des personnages, Turpin,  dessine leurs aventures en singeant avec humour Hergé. C’est un dessin rapide, plus suggéré qu’appliqué, restitué en deux tons, mélangeant les décors, la nature et le lycée, la ville et la superbe campagne. Les visages sont souvent simplement croqués, à la limite de la caricature. Le lecteur appréciera le charme de toutes les expressions créoles si colorées et imagées. Il sera malgré lui immergé avec bonheur dans ce mélange d’habitants de toutes origines, des indiens au prince vietnamien, des blancs communistes aux bourgeois établis. Les épisodes s’inspirent de faits réels, tous plus surprenants les uns que les autres, tel celui où Malbar, ce fils d’indien, manque de se faire lyncher… mais finira sénateur. Cette reconstitution écrite par des Réunionnais d’adoption sait être politique, mais surtout retrace avec humour, sympathie et humanité, l’apprentissage de ces jeunes français. (Br.A. et P.P.)