Cette putain si distinguée

MARSÉ Juan

À Barcelone, en 1982, un professionnel est chargé d’écrire l’amorce d’un scénario à partir d’un fait divers de 1949 : un opérateur de cinéma avait tué, dans sa cabine de projection, une prostituée avec laquelle il avait ses habitudes. L’écrivain prend contact avec l’assassin, maintenant sorti de prison et, à la suite de nombreux entretiens, écrit ce qui sort de la mémoire torturée du criminel.  Les deux hommes sont minutieusement décrits ; le projectionniste ressemble à un fantôme de l’époque franquiste détestée par l’auteur (Calligraphie des rêves, NB mars 2012) ; il a subi, en prison, une sorte de lavage de cerveau et ne sait pas pourquoi il a exécuté cette fille si sympathique et si malheureuse… Les découvertes sur le passé sont souvent douloureuses, mais le chemin du scénario s’avère complexe, voire obscur. En surgissent les destins brisés des protagonistes, un sentiment d’échec général, et de la mémoire tourmentée naît un hymne au cinéma d’antan et une émouvante nostalgie.  (E.B. et A.Be.)