Beckomberga : ode à ma famille

STRIDSBERG Sara

Adolescente, Jackie passait tout son temps libre à rendre visite à son père à Beckomberga, un des plus grands asiles de Suède, ouvert en 1932, qui comptait jusqu’à mille six cents patients avant d’être fermé en 1995. Très attachée à ce père alcoolique, suicidaire et grand séducteur, elle a grandi dans l’espoir de le ramener à la maison. Elle y vient en pèlerinage avec son fils Marion et évoque les habitants de ce « Château des Toqués » parmi lesquels elle s’est construite.

 

L’écriture épurée et poétique de Sara Stridsberg (La faculté des rêves, NB décembre 2009) fait voyager dans l’esprit de ces malades touchants, plus ou moins gravement atteints mais enfermés dans leur malheur. Beaucoup de nostalgie s’attache à ce lieu désormais vide où les patients étaient traités avec humanité et générosité jusqu’à ce que les budgets restreints et l’apparition des neuroleptiques bouleversent les méthodes de traitement psychiatrique. Des chapitres courts, des allers et retours constants entre présent et passé, une construction originale et la figure du père, éternel enfant, comme structure centrale. Dans cette quête éperdue pour retisser les liens familiaux, la fragile jeune femme aborde aussi la douloureuse question de l’hérédité de la folie. Un très beau livre. (S.D. et M.S.-A.)