L’homme bonsaï

BERNARD Fred

Seconde vie d’un héros imaginaire, né il y a six ans dans un livre d’images destiné à des lecteurs quasi adolescents, avec la complicité de son ami François Rocca, créateur des illustrations  2003). Fred Bernard, auteur-illustrateur de BD, réécrit le destin de son personnage sous une plume plus verte, à destination des lecteurs de BD.Destin étrange que celui d’Amédée le potier ! C’est un vieux capitaine dans un bar qui le raconte, entre deux verres, à quelques marins médusés. O’Murphy a rencontré Amédée de bien incroyable façon : comment imaginer, en plein océan démonté, que surgisse soudain un arbre gigantesque, et que cet arbre parle, qui plus est ?!Amédée le potier, enivré, enrôlé sur le bateau  du pirate Stroke, devenu le souffre-douleur de l’équipage, fut finalement abandonné sur une île déserte. C’est là que lui arriva cet incroyable incident : quelque chose tomba sur sa tête et s’incrusta dans ses cheveux… De cet arbre qui lui poussa sur le crâne, les Chinois qui le recueillirent firent un bonsaï. À l’instar de cet arbre miniature ciselé patiemment par un vieux sage, et en qui se concentrent toutes les forces vitales de la nature, Amédée mis sa puissante constitution au service de ces hommes qui lui avaient témoigné de l’amitié. Jusqu’à ce que sa forme humaine ne lui soit plus supportable…L’Homme-Bonsaï entre ainsi dans la légende des grands aventuriers des mers au destin hors du commun. Des personnages de  Stevenson à ceux de  Daniel Defoe, d’illustres prédécesseurs lui ont ouvert la voie d’îles mystérieuses et de ports lointains, où l’homme, poussé par les circonstances, devient autre. Avec son arbre sur la tête, il prend la dimension du mythe, porteur de richesse et de gloire pour les hommes qui l’ont soigné. À ses côtés, dans cette deuxième version, Changaï Li, une femme, attentive et experte en amour, objet d’une passion qui donne brusquement une dimension étonnamment humaine à la légende. L’introduction de ce personnage, inexistant dans l’album dont le texte est repris dans son intégralité, donne lieu à de très belles planches apaisantes ; le graphisme puissant et sombre semble marquer alors une pause, s’attardant en courbes alanguies, dans des scènes intimes ou sensuelles aux tonalités harmonieuses contrastant avec la violence des combats. L’exotisme de cette histoire en sort renforcé, de même que le destin d’Amédée le potier, situé dans un registre plus étrange encore, acquiert un nouveau souffle fantastique.Une très belle réécriture qui ne manquera pas de combler les lecteurs de la première version, tout en fascinant ceux qui n’avaient pas encore croisé le vaisseau-arbre d’Amédée le potier.                                                M.T.