Vitrine de fête

Décembre. Les vitrines des librairies se parent de couleurs attrayantes : les couvertures de livres excitent la curiosité par leurs visuels accrocheurs et les histoires qu’elles invitent à imaginer. Plus que jamais, notre sélection de beaux livres jeunesse veut interpeller, séduire, entraîner vers d’étranges ou fascinantes découvertes à partager entre jeunes et adultes.

Mythologies, de la Grèce à l’Afrique

Dieux et déesses du sommet de l’Olympe, puissances naturelles cachées dans l’âme du continent africain : toutes les cultures font référence à des êtres mythiques régnant sur le destin des hommes.

Une mise en bouche : « Savez-vous comment on pouvait reconnaître les dieux ? Ils ne transpiraient pas, même par grosse chaleur, ils ne cillaient pas, même en regardant le soleil et leur corps ne projetait pas d’ombre sur le sol ». De l’avènement de Jupiter à la fondation d’Athènes, nous sommes conviés à célébrer, autour de la mer Egée, ce monde haut en couleur de titans et de géants, de dieux et de déesses que « naguère, tous les écoliers connaissaient par cœur ». Du côté de l’Olympe. Un précis de mythologie savamment déjanté : des morceaux judicieusement choisis, revisités sans déformer la magie de la légende, actualisés en BD avec un joyeuse désinvolture. De savoureux clins d’œil pour les amoureux de l’Olympe et d’extraordinaires aventures pour les béotiens tant le dessin de Gabrielle Lavoir est drôle, et le texte de Denis Lindon, évidemment parodique, spirituel. Flammarion, 2020. (C.B.)

Odyssée : le voyage mythique du Retour ! Un bateau de papier, un petit bateau blanc, dérisoire face au grand navire noir qu’il croise sur des flots sombres hérissés de vagues ; des fonds peuplés de créatures marines dangereuses ; une étrange cité ; des glaciers ; des tempêtes… sans doute le prix à payer pour atteindre enfin quelque lointaine Itaque. L’archétype de tous les Voyages est magnifié par un traitement graphique en noir et blanc à la plume, qui donne au climat fantastique de ce récit sans parole de Peter Van den Ende une intensité envoûtante. Un album fascinant  : l’image, évidemment, mais aussi le parti pris narratif de préserver jusqu’au bout le mystère des personnages ! Un album brillant où chacun retrouvera ou inventera son Odyssée, tant il parle largement à l’imagination. Sarbacane, 2020. (C.B.)

Passionné par l’Afrique subsaharienne, ByMöko présente dans ce magnifique album les traditions spirituelles d’un village africain imaginaire, inspirées par les coutumes et légendes glanées au fil des ans. Divisé en deux parties, le monde visible et le monde invisible, l’ouvrage insiste sur les liens entre les dieux et les hommes, les défunts et les vivants, le passé et le présent. Aduna, Monde visible/Monde invisible, cet univers riche et spirituellement habité, est mis en images avec splendeur : l’illustration aux tons bruns, d’une grande cohérence, offre de véritables tableaux dans un format à l’italienne les mettant en valeur. De quoi rêver, voyager, imaginer. Soleil/Noctambule, 2020. (M.D.)

Légendes de marins

Issues d’un floklore traditionnel ou d’une imagination féconde, des histoires qui sentent le mystère et le vent du large.

Chaque été, Kelen prend le large, laissant derrière lui Madalen la bergère et leurs enfants, Gael et Erel. Sous l’œil observateur des moutons, la vie sur l’île continue. Cependant, après avoir pêché un poisson argenté, Gael se replie sur lui-même. Madalen remet la créature en mer mais ses mains deviennent bleues et glaciales… Imprégné de folklore marin, La Bergère aux Mains Bleues, conte merveilleux, rappelle l’univers d’Andersen et des contes allemands. Le troupeau de moutons forme le chœur cocasse tandis que les illustrations s’offrent comme des tableaux d’ambiance entre chaud enveloppant et froid polaire. Performance enlevée de la lecture et des chants transportent dans ce voyage marin et enchanteur. Un livre CD de Pierre-Luc Granjon et Samuel Ribeyron, interprété par Amélie-les-Crayons. Ed. Margot, 2020. (P.E.)

Balbuzar, le pirate capitaine de l’Enragé, est redouté des grandes couronnes, toujours avides de sombres commerces. Pour protéger ses intérêts, l’impératrice Pépita XII fait appel à l’arrogant vice-amiral surnommé « le Commodore ». Une bataille sur les mers des plus haletantes se prépare entre deux personnalités que tout oppose… Écrite par Gérard Moncomble et illustrée par Frédéric Pillot, cette histoire est pleine d’une énergie communicative. Accompagnés de détails foisonnants, les cadrages panoramiques embarquent le lecteur dans une aventure maritime où l’image semble tanguer dans les vagues. Le texte enlevé a le charme des récits de loups de mer, rythmé par la gouaille des pirates. Une évasion palpitante qui aborde des enjeux historiques avec humour et anti-héros audacieux. Daniel Maghen, 2020. (P.E.)

Fascination de l’étrange

Ne pas appeler monstres ces êtres bizarres que l’on croirait sortis d’un musée de l’horreur de la fin du XIXe siècle. Les regarder plutôt avec intérêt et bienveillance, car ils ouvrent à un monde où l’imaginaire peut tout.

Un arbre généalogique hors du commun. De 1826 à 1951… D’étonnantes photos dans leurs médaillons, la génétique facétieuse ayant affecté chacun des membres de L’étonnante famille Appenzell d’une aberration de la nature. Des monstres, aurait-on dit naguère ! Certes, mais quelle poésie dans ces daguerréotypes sépia, ces portraits d’un autre temps où tremblent nos repères de la normalité, ces couples unis par l’image et ces enfants au regard pur, d’une fascinante beauté. Un texte bref tisse des uns aux autres, en lettrines gothiques, un lien de filiation qui dit les amours heureuses ou contrariées des Appenzell. L’humour le dispute à la tendresse dans ce bel objet-livre précieux et raffiné, de Sébastien Perez et Benjamin Lacombe. Margot Ed., 2020. (C.B.)

Incroyables plus qu’effrayants, les 25 monstres de ce gigantesque catalogue, aux allures de créatures peu fréquentables certes, mais souvent tendres avec leurs fourrures laineuses. On en oublie les yeux globuleux, les dents prêtes à mordre. À côté des représentations dignes des grands maîtres de la peinture fantastique, c’est le rire qui désamorce la peur car les monstres sont affublés de noms bizarres, poétiques, voire imprononçables. L’incroyable catalogue des monstres étant rédigé, à la demande d’une petite fille, par un naturaliste spécialisé en monstres, la traduction latine est mentionnée : Le tartanouille aveugle (Biglus tartanoula). Humour, absurde ou pas, impertinence, poésie font le pouvoir d’un texte plein de trouvailles, assortis de post-it savoureux, de Grégoire Kocjan et Mateo Dineen. Margot Ed., 2020. (A.-M.R.)

Beaux livres, pour le plaisir de tous

Occasions de rêver, de regarder entre générations des pages fourmillantes de détails, vibrantes d’émotions.

Quel beau voyage ! Un Ananas dans un Bateau, en compagnie d’un Caméléon, d’un Dinosaure… les uns aidant les autres, les autres bousculant les uns. Dans un joyeux sauve qui peut, l’embarcation, en grand danger d’être coulée, conduit à bon port ses vingt-sept passagers. Ouf ! De grandes lettres signalent l’ordre impératif de cet alphabet voyageur qui ménage bien des surprises, l’entrée en scène fantaisiste d’un Urubu ou d’un Xylophone obéissant à la seule logique de leur initiale. Sous un large rabat, le récit reprend ses droits, révélant l’accueil réservé au nouvel arrivant, entre solidarité et égoïsme sans complexe. Dans cet album tendre et amusant, Francesco Pittau renouvelle le classique abécédaire. Seuil Jeunesse, 2020. (C.B.)

Une fête foraine vient tout juste de s’installer. Lorsque les familles quittent les lieux, ours, renards, biches et autres créatures des bois s’improvisent visiteurs, le temps d’une nuit magique, La nuit de la fête foraine. Album sans texte, il met pourtant en scène un monde de bruissements de feuilles et de cris d’animaux, qui semblent envahir cette vision nocturne extraordinaire. Dans une ambiance feutrée et nimbée de bleu électrique, les animaux surgissent en ombres mystérieuses et profitent des magnifiques jeux de lumière évoluant au cours de la fête. Des découpages variés, mi-album mi-BD, rythment l’avancée de la nuit. Une parenthèse enchanteresse imaginée par Mariachiara DiGorgio et Gideon Sterer, durant laquelle brille l’effervescence des plaisirs partagés. Les fourmis rouges, 2020. (P.E.)

Au tout début du XVIIe siècle, le monarque d’un royaume puissant fête le Nouvel An en invitant grands de ce monde et notables à une fastueuse soirée. Chacun apporte un cadeau précieux. Dehors il neige. Johann Kepler, mathématicien et astronome du Roi, arrive tardivement avec, pour seul présent, un flocon de neige qui agit comme un révélateur. Par sa lunette, le roi y voit que l’homme n’est pas le centre de l’univers ! Blasphème ! Hilarité des courtisans… Conte de sagesse et fable philosophique, Le Flocon est un magnifique album grand format à l’italienne sur papier bistre. Le texte de Bertrand Santini, court et percutant, se détache en lettres dorées ; lui faisant face, de somptueuses illustrations de Laurent Gapaillard fourmillent de détails à l’encre de Chine rehaussées de blanc dans l’esprit des Maîtres graveurs du siècle d’or. À ne pas manquer ! Gallimard Jeunesse, 2020. (M.-T. D.)

La nature dans tous ses états

Espace vert d’un bois, espace infini du ciel… il y a tant à voir dans les espaces naturels environnants. Et, pourquoi pas, apprendre à classer, organiser chacun des éléments observés pour s’enrichir l’esprit.

Printemps, été, automne, hiver. Promenons-nous dans les bois en toutes saisons, pour s’y perdre, cueillir des champignons, croiser un lynx, un chamois, des marcassins, guetter les blaireaux dans la nuit, construire une cabane… Regretter aussi. De souvenir en souvenir, Au bois, recueil de témoignages illustrés sous forme de bande dessinée de Charline Collette, aux dessins un peu naïfs, aux couleurs franches sur fond blanc, devient encore plus attachant, distillant espace, fraîcheur, simplicité et un amour de la nature aussi contagieux que réconfortant. Les Fourmis rouges, 2020. (M.D.)

Le ciel manifeste de la curiosité pour tout ce qui prend place dans les airs : les planètes, les explorations humaines, les nuages, mais également les oiseaux, les insectes (les plus vieux habitants terrestres), la pollinisation, les vents, le tonnerre et les éclairs… Outre les explications scientifiques très accessibles et bien formulées — en particulier sur les orages –, l’album de Juliette Einhorn se distingue par les illustrations captivantes d’Hélène Druvert, ses dessins précis et soignés aux couleurs nuancées, enrichis de volets et de découpages ciselés époustouflants . Un très beau travail, à la fois artistique et instructif. De La Martinière, 2020. (J.G.)

Chaque objet, chaque être, chaque élément a beau être Unique au monde, il fait également partie d’un tout. Le jeune Arvo guide le lecteur dans le monde fascinant des classifications et des collections. Graphiste de formation, l’auteur-illustrateur Neil Paker célèbre la taxinomie comme un art, grâce à un univers à la fois clair et fourmillant de détails. Il est possible de s’y perdre joyeusement, sans pour autant être confus, car le plaisir réside dans la découverte de mondes inconnus. Accompagnée d’indications et d’anecdotes historiques, chaque planche est une invitation à se repérer et à s’ouvrir l’esprit vers des horizons parfois insoupçonnés. Un riche documentaire pour les plus curieux. Albin Michel Jeunesse, 2020. (P.E.)

Sélection établie par des membres du comité de lecture jeunesse