Quand l’accès aux musées est contrarié par un virus…

En ce printemps calamiteux où les portes des musées se sont fermées sur des collections permanentes confinées et des expositions temporaires déprogrammées, les amateurs de ces rendez-vous vivifiants avec des œuvres et des artistes n’auraient eu que leurs yeux pour pleurer sans les visites virtuelles organisées par ceux qui en ont la responsabilité. Heureusement aussi, le rendez-vous n’a pas été manqué avec Dada, « la première revue d’art ». Ironie de l’histoire, les deux numéros d’avril et mai étaient consacrés, l’un au Street-Art, plus précisément à Banksy, l’autre, à l’architecture XXL. Des créations de plein air ! Au gré des escapades sanitaires autorisées, les plus chanceux ont pu voir, à Bristol ou ailleurs, des Banksy hors les murs ou, du côté de la démesure à Paris, le reflet de la tour Eiffel sur quelque fenêtre ouverte. Pied de nez au confinement même si, en même temps, la mort de Christo mettait le point final à ses gigantesques emballements.

Ces deux derniers numéros de Dada ont de quoi séduire leur lectorat dédié. Ils parlent l’un et l’autre d’aujourd’hui, de la ville, de ses murs et de ses transformations ; ils disent  l’imagination et l’audace des  architectes et urbanistes qui pensent à demain : les super trees des jardins verticaux de Singapour par exemple. Ils disent aussi avec humour comment le monde d’hier se défait sur l’immense fresque de Douvres où Banksy peint le Brexit en supprimant une étoile au drapeau européen. Ils parlent d’artistes non-conformistes.

Pour ceux qui sont familiers de Dada, l’itinéraire clairement balisé, en partie interactif via les ateliers proposés, est rassurant sans monotonie : une revue amie dans laquelle on a ses marques. Elle donne envie quand on le peut, d’aller « voir en vrai » : l’exposition Banksy qui rattrape le temps perdu jusqu’à la fin décembre à Paris ; la Tour Montparnasse, rénovée pour 2024, ou, si grands voyages il y a encore, la Shanghai Tower et ses 270 éoliennes. Elle accompagne et jalonne la constitution d’une culture en refusant l’illusion du numérique, dans le choix d’un beau papier glacé. Elle permet de « revenir sur », de ralentir, de cette lenteur qui façonne notre manière de réfléchir. Elle évite le piège de la seule actualité qui rend obsolète tout écrit à peine édité. Jeunes et adultes y trouvent leur compte, nécessairement !

C.B.