Le gardien de zoo Amos revient avec ses animaux anthropomorphisés dans une aventure aussi paisible que celle de A-A-A-A-Atchoum ! (publié en 2013 en France). Entre ces deux albums, Philip C. et Erin E. Stead ont développé un univers frais, au charme délicatement suranné, sans pour autant nostalgique.
Amos McGee ou la naissance d’une collaboration
Lorsque Philip C. Stead composa un texte spécialement pour sa compagne illustratrice, il ne soupçonnait pas que leur héros introverti, Amos McGee, leur offrirait une formidable reconnaissance. Paru en 2010 aux États-Unis, A-A-A-A-Atchoum ! (en anglais, A Sick Day for Amos McGee) met en scène le vieil homme qui, à cause d’une mauvaise grippe, ne peut assurer sa routine de gardien de zoo. Les animaux, dont il s’occupe habituellement, se rendent alors à son chevet pour lui tenir compagnie.
L’intrigue et la douceur du texte, un brin mélancolique, met en valeur l’imaginaire d’Erin Stead qui, depuis toujours, dessinait des groupes d’animaux et humains dans l’attente d’un événement à venir. Depuis ce premier album, le style d’Erin Stead se distingue par son style tendre et léger. Elle a recours à la gravure sur bois et au crayon, qu’elle rehausse de grands aplats à base de couleurs fruitées. Dans les aventures du gardien du zoo, jaune citron, orange abricot, vert pomme régalent les yeux comme un rafraîchissant mélange de sorbets. Une signature visuelle qu’elle a également utilisée pour l’album L’Enlèvement du prince Oléomargarine (2018), d’après le texte de Mark Twain.
Pointilleux sur sa routine bien huilée, Amos McGee n’en est pas moins attachant et attentionné. Avec sa garde-robe, composée d’un complet vert sapin et d’un pyjama rayé avec pantoufles lapins, ce personnage lunaire a quelque chose d’atemporel dans sa façon d’embrasser les petits détails du quotidien.
En 2011, le titre A-A-A-A-Atchoum ! reçoit la Caldecott Medal, prix américain récompensant chaque année le travail d’un illustrateur résidant aux États-Unis. Prestigieuse vitrine, la médaille a impulsé les carrières respectives de l’auteur-illustrateur et de l’illustratrice. Entre les deux aventures d’Amos McGee, ils ont chacun poursuivi leurs carrières avec d’autres auteurs et artistes tout en continuant de produire des albums à quatre mains (Ours a une histoire à raconter, Lenny & Lucy). Il en ressort un univers délicat à la palette restreinte, rappelant certains albums américains des années 1940, comme ceux de Robert McCloskey (Laissez passer les canards).
La fantaisie d’Amos McGee
Dans cette nouvelle aventure, le printemps illumine le monde. Le feuillage des arbres est vert pomme là où A-A-A-A-Atchoum ! se passe à l’automne. Néanmoins, le lecteur retrouve les petits détails et rituels qui font le sel du monde du gardien de zoo : le papier rayé du logement, le bus n°5, le coucher, le petit-déjeuner et la routine au zoo. C’est un monde propre à Amos McGee sans autre être humain que lui et la conductrice du bus. Le quartier résidentiel, comme le zoo, sont des décors dans lesquels le personnage évolue et interagit uniquement avec « ses » animaux.
L’alliance entre le fond crayonné et les aplats lumineux guide dans un monde, qui aurait pu être terne et austère, mais elle enveloppe dans une atmosphère paisible et chaleureuse, celle de l’amitié qui unit le gardien aux animaux. Chaque animal a ses petites habitudes avec ce dernier et, même s’ils ne peuvent lui parler, les échanges, les moments passés avec lui sont autant de témoignages amicaux.
Chacun savoure le temps avec les uns et les autres comme chacun sait prendre son temps : la plus belle illustration est sans doute la planche dépliable où la tortue ramène très lentement la sacoche et le képi du gardien. À l’arrêt du bus, la ménagerie s’étale comme une ribambelle sur la double page du format à l’italienne. Les scènes d’attente, de contemplation et de réunion offrent des séquences dignes de portraits de famille. Grands, petits, frêles et volumineux animaux anthropomorphisés (éléphant à écharpe, pingouin à chaussettes, hibou lecteur, pour n’en citer que quelques uns) et Amos McGee sont alignés ou collés les uns à côté des autres comme tant de tableaux réconfortants de fantaisies animalières à l’image de Winnie L’ourson d’A.A Milne (d’ailleurs inspiré d’un ours ayant vécu au zoo de Londres) ou bien encore Le vent dans les saules de Kenneth Grahame. Un espace-temps suspendu, une douce évasion, bienvenue en cette période compliquée.
Pamela Ellayah
Avril 2022
STEAD, Philip. C. : Une surprise pour Amos McGee, ill. d’Erin E. Stead. Kaléidoscope, 2022.