Une histoire (presque) impossible à raconter

GIBERT Bruno

Pauvre narrateur de ce conte échevelé : dès la première phrase, pourtant incontestable – « Il était une fois… », il est interrompu par un « Non ! » catégorique, graphiquement incontournable. Bon prince, il recommence, remplace le lièvre par l’ours, par la grenouille, le cheval, ose un récit à tiroirs dans lequel la vie de chacun des personnages déboutés finit par croiser celle des autres, à pied, en voiture ou en hélicoptère…  Impossible à raconter ! Et pourtant, si l’on n’est pas attaché à la linéarité du récit et si l’on accepte la fantaisie absolue de celui-ci, quel plaisir : le lecteur comprend vite qu’il lui suffit de prendre la parole pour infléchir le déroulement de l’histoire. Il découvre le plaisir d’inventer ! Toute piste est bonne à suivre dès l’instant où elle est drôle et ajoute des péripéties aux péripéties, étoffant le texte page après page en lui donnant une cohérence logique ludique. Le dessin est de la partie, stylisé façon pochoir dans le trait comme dans les couleurs, désinvolte quant à la vraisemblance, mais très convaincant au pays de l’imagination.  (C.B.)