Une année chez les Français

LAROUI Fouad

Avec l’histoire de Mehdi, jeune marocain doué ballotté entre deux cultures, Fouad Laroui donne un témoignage émouvant et drôle, volontairement dépourvu de toute connotation politique ou religieux et qui reflète un profond attachement pour la France et sa culture.

 

1969 : Mehdi Khatib âgé de dix ans ne sait pas que les Américains viennent de débarquer sur la lune. Comment le pourrait-il ? « On n’a pas de télé à la maison » dans son bled de montagne marocain. Grâce à l’instituteur, Mehdi se voit parachuté en sixième comme interne-boursier au Lyautey, le prestigieux lycée de Casablanca. Pour ce jeune héros qui tient à la fois du Petit Chose, du Petit Nicolas ou de Candide parmi les Nasrani, – c’est-à-dire les Français -, l’année s’annonce difficile. Chétif et binoclard, il bouillonne d’une imagination enrichie par des lectures qui s’entrechoquent dans son univers mental. Bref, Mehdi s’étonne de tout, et surtout du langage qu’il entend, si différent de celui de la comtesse de Ségur, un mélange d’argot et d’expressions toutes faites qu’il interprète à sa manière. Décalé par rapport à ses camarades, terriblement solitaire et coupé de son environnement familial, il trouve refuge tous les week-ends dans une famille française et un certain réconfort auprès d’un professeur de théâtre. À la fin de l’année, Mehdi s’est adapté, il est même couronné de prix. Son orgueil blessé d’enfant entre deux cultures lui complique néanmoins la vie.

Dans ce tableau d’une société émergeant du colonialisme qu’il connaît intimement, Fouad Laroui, au fil d’une vingtaine de chapitres en forme de saynètes, brosse de savoureux portraits de professeurs, surveillants, fils de familles ou Marocains pauvres. Il le fait de sa plume très particulière, empreinte de malice, de tendresse et d’ironie, décrivant avec verve tel mariage mouvementé au bled ou tel match de foot hilarant. A travers la légèreté du propos de ce roman que l’on sent en partie autobiographique, s’impose un désir de neutralité politique et religieuse.

Et l’originalité dans tout cela ? Certes, la camaraderie mouvementée des collégiens et les blagues de potaches constituent un genre en soi, mais ici le respect et l’amour de la France à travers sa culture en font un témoignage sincère, émouvant, souvent drôle et toujours tonique. Un phénomène relativement rare dans la littérature actuelle !