Un homme effacé

POSTEL Alexandre

Damien North, quarante-cinq ans, est professeur de philosophie dans l’université de renom d’une ville non identifiée. Veuf et sans enfants, timide et dépourvu du moindre charisme, il mène une existence solitaire sans même le secours des réseaux sociaux d’Internet. En ce domaine il se sent très incompétent ; tout juste capable d’utiliser l’ordinateur pour son travail. Un matin, il voit s’afficher sur son écran : accès refusé. Quelques heures plus tard, alors qu’il attend un technicien, c’est la police qui frappe à sa porte. Il est en état d’arrestation pour consultation et détention sur la Toile d’un millier d’images à caractère pédopornographique. Le scandale fait le tour de la ville : chacun est en émoi et y va de son jugement. Et lui, Damien North, dans l’incapacité de prouver son innocence, se voit conseiller par son avocat de plaider coupable. Que peut-il face à la toute-puissance de l’évidence informatique, à la vindicte générale et à la condamnation du tribunal ? Ce premier roman d’Alexandre Postel, professeur de lettres, frappe par une construction classique parfaitement maîtrisée. Dès les toutes premières pages l’attention et la tension sont de mise et s’amplifient dans une terrible spirale. Tous les faits, voire les plus anodins, conspirent contre cet « homme effacé » dans un engrenage qui fait d’un innocent un coupable aux prises avec les avocats, les juges, les psy, les experts scientifiques, l’univers carcéral, etc. Vous l’aurez compris, c’est également une analyse sans concessions de l’hypocrisie des relations sociales et professionnelles, des dysfonctionnements de la justice et surtout de la manipulation engendrée par la « bien-pensance ». L’écriture mêle avec talent la distance de la narration à l’émotion de l’introspection avec ce qu’il faut d’humour, et même parfois de poésie pour ne pas sombrer dans le pathos. Et la dérive solitaire d’un homme blessé est décrite à la perfection. Jamais sordide malgré la noirceur du sujet, ce roman à la fois intemporel et très actuel fait réfléchir sur la nature humaine et ses ambiguïtés.