Un héros discret

VARGAS LLOSA Mario

Il est arrivé pieds nus dans cette ville provinciale. Aujourd’hui, il dirige une entreprise de transports. Travailleur infatigable, bon père de famille, il entretient une jolie Mabel, prunelle de ses yeux. Vie sans faille, jusqu’à l’arrivée d’une lettre anonyme, exigeant une mensualité régulière. Il n’a jamais baissé la tête, il ne paiera pas… À Lima, un avocat aimable et cultivé s’inquiète des étranges visions de son fils. Et son patron ami, veuf de quatre-vingt-deux ans, frustre ses horribles jumeaux d’une immense fortune en épousant sa servante. Ennuis à prévoir… Les deux histoires sont menées séparément, bon train, en chapitres alternés s’interrompant sur un suspense excitant. Vous êtes au paradis de la littérature sud-américaine : situations folles et crédibles, personnages qu’on aime pour les détails de leur modeste et chaleureuse humanité. Du commissariat sordide à la petite maison de Mabel, les décors ont l’atmosphère requise, la vie sociale est décrite avec une ironie allègre. Dommage que Mario Vargas Llosa (Le rêve du Celte, NB janvier 2011) ait compliqué vers la fin une technique narrative efficace. Et que la piste des visions, si bien entretenue, se perde dans le croisement final des intrigues, un peu poussif. On s’est quand même beaucoup réjoui. (M.W. et C.R.P.)