Titus n’aimait pas Bérénice

AZOULAI Nathalie

Abandonnée par son Titus, dans son amour blessée, « elle » se berce des vers de Racine qui calment sa douleur. Et s’émerveille. Comment pénétrait-il avec cette acuité les tourments amoureux et décrivait-il si bien la passion au féminin ? Elle vit désormais avec lui : à Port-Royal, pendant son enfance studieuse et sévère; à Paris où Andromaque inaugure une suite de triomphes. Elle le voit conquérir la Du Parc, la Champmeslé, attirer l’attention royale, devenir académicien, historiographe du règne avec Boileau. Il écrit Bérénice lorsqu’elle apprend que son Titus mourant la réclame… Titus n’aimait pas Bérénice alors que Bérénice l’aimait… Ou comment un chagrin d’amour contemporain peut se retrouver dans le chant des alexandrins, se consoler de leur proximité, de leur clairvoyance, se meurtrir de leurs ambiguïtés, se perdre dans leur ombre. De cette approche originale résulte une biographie sensible et savante. Racine y apparaît dans sa complexité, ambitieux, intéressé mais nourri de l’austère grandeur janséniste et des classiques grecs et latins ; mari bourgeois mais amant brûlant ; rimeur d’odes courtisanes mais explorateur inlassable de l’écriture, animé d’une ardente dévotion au roi. Normalienne, Nathalie Azoulai (Les Manifestations, NB octobre 2005) écrit avec talent, et les tempêtes du coeur chevauchent les siècles, toujours aussi violentes. (M.W. et B.V.)