Quand reviennent les âmes errantes

CHENG François

Il y a bien longtemps – au IIIe siècle avant J.C., du temps des Royaumes Combattants – vivaient une femme, Chun-niang, et deux hommes. Elle, jade précieux, a connu tôt l’abandon, puis le viol, la vie précaire. L’un de ses compagnons, musicien rare qui s’accorde aux rythmes de l’univers, est joueur de « zhou ». L’autre est un paladin d’éclatantes vertu et bravoure. Leurs trois destins se croisent dans une auberge. Ils partagent alors la douceur de la « noble amitié », le feu retenu du « noble amour ». Mais la belle Chun-niang devient concubine du Prince, tandis que les guerres amènent l’avènement de l’impitoyable Premier Empereur. Les deux hommes meurent tragiquement, Chun-niang survit et les âmes des défunts se mêlent à la sienne, dans des échanges confondus en un chant unique. Comme dans une tragédie antique, l’action commentée par le choeur se partage en cinq actes, les protagonistes s’adressant à tour de rôle au lecteur. François Cheng (Cinq méditations sur la beauté, NB mai 2006) célèbre dans cette cantate les beautés de l’impassible nature, le mystère de la vie et de la mort, dans un style lyrique qui entretient au plus haut niveau l’incandescence des sentiments.