Potemkine ou le troisième coeur

BOUÏDA Iouri

Venu combattre dans les Ardennes avec le corps expéditionnaire russe en 14-18, Théo s’est installé à Paris, après la guerre, avec d’autres compatriotes, anciens soldats. Il est devenu photographe. Un jour, en 1926, il voit au cinéma « Le cuirassé Potemkine » d’Eisenstein : la vision de l’armée tsariste – il en était – tirant sur la foule d’Odessa fait naître en lui un sentiment irrépressible de culpabilité qui l’entraîne dans une spirale infernale… jusqu’au meurtre.

 

Voici un roman russe digne de ce nom : les tourments de l’âme – honte, remords, mensonge, foi et folie – en sont les véritables acteurs. Dostoïevski, abondamment cité, semble guider la plume de l’auteur, sombre comme celle de son recueil de nouvelles (La fiancée prussienne, NB janvier 2005). Dans la même veine pathétique, incisive, Iouri Bouïda fouille jusqu’au tréfonds de ses personnages secondaires, tous profondément blessés par la vie. Il opère à vif son héros principal Théo pour en révéler la dualité : une oscillation entre réel et affabulation, violence et foi en un Dieu rédempteur qu’il appelle son « troisième coeur ».On est secoué et tenté de conclure : haut les coeurs !