Ne vous inquiétez pas (L’année du lièvre ; 2)

TIAN

1975. Phnom-Penh, envahie par les Khmers rouges, est rapidement vidée de ses habitants. Khim, Lina et le jeune Chang sont conduits, sans bagages, dans un camp de travail. Ils font partie du “peuple nouveau” et doivent être rééduqués par le “peuple ancien”, celui des vrais paysans. Et là, l’horreur devient le lot de chaque jour. Tout souvenir de la vie antérieure, urbaine et intellectuelle, doit disparaître. Le chef Khmer rouge demande à traduire une lettre écrite en français. Une femme se porte volontaire, mais c’était une ruse. Elle sera assassinée à coups de pioche devant ses enfants à qui on aura fait creuser sa tombe. Voilà une des manières de désorganiser la famille, car « les enfants sont une page blanche sur laquelle on peut imprimer toute volonté de l’Angkar » Khim monte un plan d’évasion, mais il est réquisitionné pour le creusement du canal. De retour au village, le chef qui connait son passé de médecin lui demande de soigner sa fille. Est-ce un piège ?

L’auteur né en 1975, n’a donc pas connu cette période troublée. Désireux de retracer ce qu’ont vécu ses proches, il construit son ouvrage à partir de nombreux témoignages, et traduit le ressenti d’une famille plongée dans l’absurde et la cruauté. L’histoire de Khim et Lina est le fil conducteur d’une suite d’évènements dans les trois communautés, sous le regard permanent des chllops, les espions omniprésents. Cette organisation, pouvoir totalitaire nébuleux aux exigences démesurées, montre son vrai visage : tous les moyens lui sont bons. Faim, esclavage forcené, espionnage des adultes par leurs enfants, endoctrinement, humiliations, élimination de tout opposant potentiel. Entrecoupées de planches explicatives, les saynètes successives évoquent les déchirements devant les disparitions, l’incompréhension de gens cultivés devant l’inhumanité dont font preuve les rouges. Expressif, à travers ses crayonnés rapides dans des couleurs froides, le dessin est très évocateur d’une ambiance éprouvante et de l’horreur au quotidien. Et pourtant la vie continue ! Un rappel émouvant et nécessaire du calvaire d’un peuple.