Martha était là

ATAK

Qui connaît le destin des pigeons migrateurs ? De magnifiques oiseaux au plumage irisé se déplaçant en vastes formations qui cachaient le soleil, cassant les branches des arbres, répandant partout leurs fientes. Bref, des nuisibles qu’on chassa jusqu’à leur disparition à la fin du XIXème siècle sur le continent nord-américain. Martha, le dernier de ces migrateurs, raconte son histoire, une tout autre histoire, celle du grand voyage : le monde vu du ciel, mais, vus du ciel aussi, les hommes à l’oeuvre, rivalisant de cruauté au nom de la nécessité…  Dédié à Audubon qu’il met en scène, un carnet de croquis sous la main, l’album est d’une richesse de couleurs qui rappelle à la fois les planches de l’ornithologue et la palette de Gauguin. Un parti pris de naïveté dans le dessin, des clins d’oeil à la bande dessinée et à ses héros pour camper les personnages mais aussi à la peinture romantique allemande revisitée par la culture pop, telle est la marque du talent d’Atak. L’image délire, dans un débordement baroque de scènes narratives et de motifs floraux ; pas un seul blanc dans l’espace de la page, le texte en surimpression, au profit d’un foisonnement de détails qui décuplent le sens des mots. Un album somptueux. (C.B.)