Les nouveaux somnambules

GRIMALDI Nicolas

En s’en prenant Ă  Charlie Hebdo, aux touristes de Tunis ou du musĂ©e de Bruxelles, aux enfants d’une Ă©cole juive Ă  Toulouse, les terroristes mĂšnent un combat dĂ©pourvu de sens. Ils exterminent des anonymes pour des opinions qu’ils leur prĂȘtent sans les connaĂźtre, et le font au nom d’une religion coupĂ©e de ses pratiques, rĂ©inventĂ©e : qui n’existe pas. Comme des rĂȘveurs ils prennent leur fiction pour la rĂ©alitĂ©. Comme des somnambules, ils inscrivent partiellement leurs odieuses chimĂšres dans la vie. Comment tant de jeunes peuvent-ils sacrifier la rĂ©alitĂ© Ă  leurs mythes, sans opposer Ă  de tels crimes ni scrupule ni luciditĂ©?  C’est en philosophe (Le crĂ©puscule de la dĂ©mocratie, NB septembre 2014) que l’auteur pose la question. Il interroge la capacitĂ© infinie qu’a la conscience individuelle ou collective de s’halluciner, volontairement ou non, partiellement ou totalement, comme dans le jeu, la fiction romanesque, la politique, la croyance ou le fanatisme. Dans un habile jeu conceptuel, mĂȘlĂ© d’allusions littĂ©raires, ce paradoxe est scrutĂ© dans ses contradictions. Hors de tout recours aux sciences humaines (psychologie, sociologie), autant dire hors sol, la rĂ©flexion n’offre que des rĂ©ponses partielles. Une façon distanciĂ©e, Ă©litiste, et de peu de secours de penser une douloureuse actualitĂ©. (A.Lec. et A.Le.)