« Que serait une vie ou rien n’est inquiétant, que vaut une vie sans menace ? Une vie où on oublierait de s’appliquer avec constance à être prêts pour le désastre ? », s’interroge le narrateur d’une des dix-neuf nouvelles. Une clé pour appréhender l’univers de l’auteure de nombreux recueils, dont Koman sa s’écri émé ? (NB novembre. 2005). Enfermés, ou libres au sein d’une nature somptueuse et implacable, des personnages anodins en quête de bonheur, la plupart innocents parce que maltraités par la vie, subissent le poids d’une destinée qui les mène au regret, à l’échec, à la rupture, au meurtre. Annie Saumont, en écrivain virtuose de la nouvelle, émaille chaque récit d’indices, semant le doute, la surprise, l’effroi. En symbiose avec ses personnages, elle excelle à rendre compte du moment où leur destin a basculé et, souvent par leur propre voix, distille leurs pensées, leurs fantasmes, les palpitations de leur conscience, aveuglement, aveu, déni, les fluctuations de leurs sentiments, désarroi, égarement ou résignation. Un questionnement existentiel pessimiste, mais fascinant, qui sollicite l’intelligence.
Les croissants du dimanche
SAUMONT Annie