Le vertige danois de Paul Gauguin

LECLAIR Bertrand

En novembre 1884, Paul Gauguin quitte Rouen, oĂč il n’arrive pas Ă  vivre de sa peinture, pour Copenhague. Il y retrouve sa femme danoise et ses cinq enfants. Pour subsister il tente de vendre des bĂąches, mais, ignorant la langue, dĂ©nuĂ© de toute motivation, il Ă©choue. Peu acceptĂ© dans l’appartement, il se rĂ©fugie le plus souvent dans une mansarde, exiguĂ«, non chauffĂ©e, pour peindre un peu, rĂȘver beaucoup, lire ou Ă©crire. Les diffĂ©rends du couple, les difficultĂ©s financiĂšres, l’hostilitĂ© de la belle-famille le poussent Ă  partir, mais sa responsabilitĂ© de pĂšre le retient. LittĂ©ralement chassĂ©, il part prĂ©cipitamment, emmenant son fils Clovis, six ans, et se rĂ©fugie Ă  Paris… Pour ce roman, Bertrand Leclair (Malentendus, NB fĂ©vrier 2013) a sĂ©journĂ© Ă  Copenhague. Il s’appuie largement sur la correspondance du peintre, entre autres ses lettres Ă  Pissarro et Ă  son ami Schuffenecker. Il retrace cette pĂ©riode sombre de la vie de Gauguin, partagĂ© entre sa passion et sa famille, entre une crĂ©ation libre et les servitudes du quotidien. L’auteur brode largement autour d’un autoportrait pour dĂ©crire avec finesse cet Ă©cartĂšlement douloureux, mais aussi le mĂ©pris du peintre pour l’acadĂ©misme et sa foi en son propre gĂ©nie. Gauguin se sent proche de « l’Albatros » de Baudelaire, « ses ailes de gĂ©ant l’empĂȘchent de marcher »…