Le rêve du retour

CASTELLANOS MOYA Horacio

Erasmo Aragon, journaliste fuyant la guerre civile au Salvador, s’est exilé au Mexique au début des années 1980. Souffrant du foie, il consulte un médecin, hypnotiseur à ses heures. Bien qu’imbibé d’alcool, son foie est intact, mais les séances d’hypnose le perturbent : qu’a-t-il raconté en dormant ? Hypocondriaque et paranoïaque, subodorant la présence de suspects autour de lui, il s’angoisse d’être recherché par des militaires du Salvador. Il projette néanmoins de retourner y travailler, de plaquer sa femme qui le trompe avec un acteur minable, et en amateur éclairé, de partir en quête de quelque pulpeuse beauté. 

Après La servante et le catcheur (NB février 2013), Horacio Castellanos Moya renoue avec les ravages psychologiques provoqués par le chaos politique salvadorien. Le narrateur jette un regard distancié, voire narquois, sur sa propre conscience perturbée, envahie d’obsessions, de divagations, de souvenirs de violences qui le mettent dans un état bizarre. Il cherche avec une touchante et naïve culpabilité à l’oublier dans la vodka en compagnie d’amis fort pittoresques. L’auteur sonde les profondeurs de l’âme avec talent et beaucoup d’esprit. Un humour tout en finesse transparaît dans le balancement de longues phrases, prenantes, attachantes, au long de ce roman de qualité. (V.M. et A.M.)