Le pays imaginé

BERTI Eduardo

Ling vit, semble-t-il, dans une petite ville de Chine au seuil de la modernité – le cinéma existe –, au sein d’une famille attachée aux traditions. La grand-mère qu’elle aimait vient de mourir, l’adolescente décrit les rituels autour de sa mémoire et dévide le quotidien d’une fille soumise. Déjà se devine sa rébellion secrète contre la toute-puissance paternelle et contre la passivité de son frère qu’on veut marier dans une riche famille voisine. Hardie, elle rencontre en cachette une fille du peuple qu’elle admire follement. Mais voici que ses parents lui cherchent aussi un époux chez les mêmes voisins. D’emblée, comme au pinceau, se dessinent les contours délicats d’un monde raffiné, traversé de fantômes, entravé dans ses rites. L’oreiller de la défunte offert sur le toit aux becs des oiseaux, les noces du frère avec la fiancée morte, l’oiseleur aveugle, tout cela participe-t-il d’une Chine réelle ou rêvée ? Pourquoi Eduardo Berti (L’inoubliable, NB juillet-août 2011), romancier argentin, a-t-il eu envie « d’imaginer » ce lointain pays ? Peu importe. On retrouve ici l’éternelle histoire de l’adolescence révoltée, du flot frémissant des passions qui s’enlise dans les sables paisibles du conformisme adulte ; une histoire enchanteresse et troublante, subtilement contée.