Le monde selon Walden

BLANVILLAIN Luc

Walden est diffĂ©rent ! Il l’est depuis sa naissance, venu au monde, Ă  l’étonnement de tous, dans un Ă©clat de rire. Depuis, rien n’a changé : il Ă©lĂšve en aquarium des axolotls ; il pratique le jukskei ; il va au collĂšge en kilt ou avec un short tyrolien ; Zelda, son amie de toujours, participe de ses goĂ»ts insolites et les partage. Walden est heureux ! Ses professeurs s’y sont faits, ses congĂ©nĂšres aussi, qu’il tient Ă  distance quand il le faut
 en entonnant un air d’opĂ©ra aux vertus paralysantes. Jusqu’au jour oĂč la vidĂ©o d’une de ces surprenantes sĂ©ances de self-dĂ©fense fait la une des rĂ©seaux sociaux, mille fois likĂ©e, tweetĂ©e, commentĂ©e : 8 millions de followers ! Qu’importe !, se dit-il. Pas si sĂ»r
.

VoilĂ  une aventure menĂ©e bon train au rythme de pĂ©ripĂ©ties dĂ©lirantes liĂ©es aux mouvements d’une opinion versatile dĂ©sormais entichĂ©e de Walden avec une dĂ©votion Ă©cervelĂ©e. Ainsi de l’extravagante opĂ©ration de sauvetage des renardeaux qui ont Ă©lu domicile au collĂšge. Clin d’oeil aux adeptes de la cause animale, clin d’oeil au Petit Prince ou pure invention pour le plaisir, c’est le fil rouge d’une histoire qui se moque joyeusement de la vraisemblance et des poncifs !

DerriĂšre la drĂŽlerie des situations, source incontestable du plaisir de ce roman, les dilemmes auxquels fait face le hĂ©ros donnent Ă  rĂ©flĂ©chir. Difficile d’ĂȘtre tranquillement soi-mĂȘme quand les autres sont aussi peu tolĂ©rants que pĂ©tris de conformisme. Pire encore, quand leur perplexitĂ© stupide, leur agacement ou leur hostilitĂ© se muent en idolĂątrie : effet toxique de la communication d’aujourd’hui ! PassĂ©e la brĂšve euphorie de la notoriĂ©tĂ© et l’ivresse des pouvoirs qu’elle confĂšre sur des PĂ©cuchet de collĂšge, le hĂ©ros candide en dĂ©couvre les dangers quand sortent du bois des manipulateurs prĂȘts Ă  l’exploiter. La critique cible parfaitement deux menaces au coeur de nos sociĂ©tĂ©s de masse : l’exclusion et la manipulation. Mais sans lourdeur ! Walden est un hĂ©ros positif. Le regard interloquĂ© qu’il pose sur monde et les initiatives cocasses qu’il prend attirent sourire et sympathie.

Dans la vie, l’humour sauve de tout, de la sottise, de la prĂ©tention, de la honte injuste de s’ĂȘtre fait avoir comme d’avoir fait fausse route ; il irrigue ce roman loufoque et intelligent. Un roman « vie quotidienne » pĂ©tillant d’imagination : on s’y rĂ©gale sans rĂ©serve des outrances d’une histoire qui sonne vrai. Et de sa prose inventive, mĂ©tissĂ©e, sans tabou, qui relĂšve brillamment le dĂ©fi de la rĂ©Ă©criture de la langue parlĂ©e. (E.-E.H. et L.L.-D.)