Fruit de la passion fugace de sa mère pour un instituteur, Binh est méprisé par l’époux de celle-ci, vieil homme acariâtre. D’abord marmiton au service du gouverneur d’Indochine, il devient l’amant de Blériot, son chef-cuisinier. Renvoyé, il aboutit à Marseille et, finalement, en 1929,27 rue de Fleurus, à Paris, cuisinier du couple d’Américaines, Gertrude Stein et Alice Toklas, réfugiées en France après la crise économique. Il prépare pour ses “Mesdames” et leurs admirateurs des menus raffinés et fait la connaissance du docteur Lattimore, « l’homme des doux dimanches », Noir américain dont il s’éprend et pour lequel il subtilise un manuscrit de Gertrude, Le livre du sel, sa propre histoire.
Ce premier roman d’une Vietnamienne de trente-sept ans, avocate aux États-Unis, baigne dans une pudique homosexualité tant masculine que féminine et dans une volupté gustative pareille « au corps d’un amant qui s’approche du vôtre par une nuit sans lune. » Tout est nuance, subtilité, tant dans les préparations culinaires que dans la résolution de Binh de surmonter son “inexistence méprisée”. Ce roman complexe, parfois énigmatique, prend surtout sa saveur à la relecture.