La Fabrique des salauds

KRAUS Chris

Issus de l’aristocratie balte allemande, deux frères grandissent avec Ev, petite Juive adoptée. La guerre éclate, fait de l’aîné un officier nazi, du second un agent double, triple au besoin. Aux amours enfantines, aux heures lumineuses, succèdent meurtres, dénonciations, retournements. Ev épouse l’un des frères, vit avec l’autre la durée d’un épisode israélien, les rivalités s’attisent, une enfant meurt. Le cadet, hospitalisé, vieillissant, se risque dans les zones sombres de la mémoire.  Est-ce un roman d’espionnage ? Assurément. Tout est dit sur les services secrets, BND, CIA, Mossad, Stasi ou KGB. Un reportage ironique et pertinent sur les relations internationales d’alors ? Sur la guerre en pays baltes, en Pologne, en Allemagne ? Tout autant. Une tragédie amoureuse quasi-mythique ? Aussi bien. Débordant, compliqué, terrifiant par son déni d’humanité et de morale, par les tortures et les exécutions, le roman s’écoule lentement, détaille un paysage, un tableau, un moment de bonheur, explore les mécanismes du désir, de la haine, des liens fraternels et amoureux, leurs loyautés et leurs trahisons. On pourrait presque s’attacher au narrateur, peintre cultivé, proche des femmes, salaud magnifique qui sur son lit d’hôpital fait de son voisin de chambre un auditeur bénévole horrifié. Entrez sans faiblir dans ce monument littéraire. (M.W. et A.Lec.)