La condition des crabes (La marche du crabe ; 1)

PINS Arthur de

Sur les rivages de l’estuaire de la Gironde vit le cancer simplicimus vulgaris, ou crabe carrĂ©, dont la particularitĂ© est de ne pouvoir modifier sa trajectoire. Il est condamnĂ© Ă  marcher de droite Ă  gauche et de gauche Ă  droite, toujours sur la mĂȘme ligne. Autant dire que les rencontres entre congĂ©nĂšres sont rares, et la reproduction problĂ©matique. Ces malheureux, dans leur solitude, n’ont mĂȘme jamais eu l’idĂ©e de se donner des noms. Si certains acceptent leur sort sans broncher, d’autres aimeraient bien prendre leur destin en main. Comment ? Le hasard d’une rencontre, un peu de rĂ©flexion et de l’audace et c’est parti pour une aventure nouvelle, voire rĂ©volutionnaire, sous la menace constante des tourteaux et des humains aux enfants arracheurs de pattes.

 

Imaginer une histoire avec de tels hĂ©ros (dont l’existence, prĂ©cisons-le, n’est pas prouvĂ©e scientifiquement), il fallait oser ! Cette BD en trois tomes est inspirĂ©e d’un court-mĂ©trage d’animation en noir et blanc abondamment primĂ©, La rĂ©volution des crabes, rĂ©alisĂ© par l’auteur en 2004. Le scĂ©nario s’est enrichi de personnages et de pĂ©ripĂ©ties inĂ©dites, et le rĂ©sultat est un dĂ©lice : humour caustique, interrogations existentielles, aventures Ă©chevelĂ©es, suspense… Les diffĂ©rents aspects de l’histoire, les dĂ©mĂȘlĂ©s respectifs des humains et des crabes, sont soigneusement articulĂ©s. Le graphisme sur ordinateur lisse, fin et Ă©lĂ©gant d’Arthur de Pins, la colorisation tout en nuances, ajoutent leur charme Ă  un scĂ©nario dĂ©jantĂ© oĂč se mĂȘlent crabes mĂ©lomanes (par la force d’une trajectoire les menant sur une guitare Ă©chouĂ©e), reporters animaliers lassĂ©s de l’Afrique (guetter un lion des heures dans la savane, quel ennui !), dirigeant de Greenpeace en vacances (bientĂŽt dĂ©rangĂ© par un projet de pipeline dans la Gironde), tourteaux dans le rĂŽle de gros balaises aux mĂ©thodes maffieuses, et huĂźtres stupides. Et l’on s’attache irrĂ©sistiblement Ă  ces bestioles vulnĂ©rables, avec leurs aspirations si humaines, leurs grands yeux expressifs et leurs pattes extensibles.