Je m’ennuie

BLACK Michael Ian, OHI Debbie Ridpath

« Je m’ennuie ! » Cri du coeur d’une exquise petite fille, couettes brunes et pull rayĂ© dĂ©corĂ© d’un coeur rose, rĂ©pĂ©tĂ© sur tous les tons jusqu’à ce qu’elle rencontre
 une patate ! VoilĂ  qui est intĂ©ressant, se dit-elle. D’autant que la patate, douĂ©e de parole, pourrait devenir une compagne de jeu. Car elle s’ennuie, elle aussi. Mais elle n’aime que les flamants roses : les enfants, ce n’est pas drĂŽle ! Pour autant, l’hĂ©roĂŻne ne renonce pas. La prĂ©tentieuse patate va voir tout ce qu’on sait faire pour dĂ©rider les rabat-joie.

L’histoire est rythmĂ©e des prouesses d’une gamine dĂ©lurĂ©e qui chante, danse, marche sur les mains, se transforme en princesse, attaque un dragon, s’envole mĂȘme car elle ne manque pas d’imagination
 sans parvenir Ă  faire rire la patate grognon. Mais c’est gagné :la petite fille a oubliĂ© son mal ! VoilĂ  proposĂ© avec malice le remĂšde universel contre l’ennui : pas besoin d’un flamant rose, il suffit de chercher un peu pour trouver en soi la formule de sa guĂ©rison. MĂȘme si la chute finale renoue, pour rire, avec le scĂ©nario catastrophe ( !) du dĂ©but.

La couverture donne le ton : jaune flamboyant, elle associe, dans un mĂȘme motif, le dessin et le texte, l’expression du corps et le sens des mots. Tout est dans les images. Toujours en mouvement sur le fond blanc, l’hĂ©roĂŻne, d’abord seule, emplit progressivement la page des multiples « personnages » qu’elle invente, passant d’une Ă©motion Ă  l’autre Ă  fleur de visage, dans un dessin qui en accentue l’intensitĂ©, selon les codes de la BD. Sa comparse n’est jamais loin : ratatinĂ©e en une boule marron de dĂ©sapprobation morose, aux mimiques minimalistes mais efficaces. Le trait parle avec un humour irrĂ©sistible d’autant que ce compagnonnage Ă©tonnant est d’emblĂ©e cocasse .La situation est aussi rĂ©jouissante qu’absurde
 comme le dĂ©nouement de l’histoire.

MalgrĂ© quelques lĂ©gĂšres maladresses de traduction, le texte n’est pas en reste. Du dialogue, exclusivement, des typographies diffĂ©rentes pour chaque personnage : un discours exclamatif accompagne le joyeux dĂ©lire de l’une qui emplit la page des grandes lettres de son indignation ; la posture compassĂ©e de l’autre se satisfait de caractĂšres d’imprimerie plus sages. C’est de la bande dessinĂ©e sans bulles.

Une histoire qu’on pourra relire et rĂ©inventer. Impossible de s’ennuyer !