Impressions de Kassel

Invité à participer à la Foire internationale d’art contemporain de Kassel, un écrivain catalan est censé, en contrepartie, s’installer chaque matin dans un restaurant chinois pour écrire. Après quelques malentendus avec les organisatrices, il accepte. Dépressif, sceptique, écartelé entre des angoisses nocturnes et une vitalité matinale incongrue, il compte sur le défi intellectuel que lui lance la manifestation d’avant-garde pour se rééquilibrer. Commence alors une longue déambulation à travers les différents sites artistiques disséminés dans la ville, en compagnie de jeunes hôtesses chargées de lui en faire le commentaire. Virtuose, ironique, funambulesque mais aussi sensible et profonde, cette étrange balade au milieu d’oeuvres parfois improbables (un courant d’air, un chien à patte rose sur un tas de fumier, une pendule oblique…) est en fait un long questionnement peuplé de références littéraires et artistiques sur la créativité contemporaine, quand toute forme en art a déjà été explorée. Monologue foisonnant, provocateur mais optimiste sur ce qu’est écrire, peindre, sculpter aujourd’hui (après Duchamp, Artaud, Man Ray, Wittgenstein…), ce récit est, pour cet auteur inclassable (Air de Dylan, NB novembre 2012), une façon brillante de prouver, par l’absurde, qu’au-delà des recherches stériles sur la nouveauté existe bien l’éternelle possibilité d’une « étincelle endiablée ».