Grands carnivores

BELIN Bertrand

Comme chaque annĂ©e, un cirque arrive en ville. En se rendant au vernissage des peintures de son jeune frĂšre, un entrepreneur arriviste et mal lunĂ© croise la caravane bariolĂ©e et bruyante des gens du voyage. RĂ©cemment promu Ă  la tĂȘte d’un Ă©tablissement industriel, il rumine son ressentiment mĂ©prisant pour l’artiste insouciant qu’il tient pour un parasite dĂ©bauchĂ© qui dĂ©shonore la fratrie. La nuit venue, une demi douzaine de lions s’Ă©chappent inexplicablement de leurs cages. Au matin, la peur s’installe. Le troisiĂšme roman du musicien Bertrand Belin est une satire sociale et politique virtuose dopĂ©e Ă  l’humour fĂ©roce. La citĂ© fluviale est imaginaire, l’Ă©poque historiquement indĂ©finie Ă©voque un entre  deux-guerres encore proche, propice au cynisme rĂ©actionnaire et au soupçon. EnflĂ©e par la rumeur imbĂ©cile, la terreur alimente les vieilles haines de classe, exacerbe le mĂ©pris cruel de l’Ă©lite bourgeoise, accĂ©lĂšre la prise de conscience des exclus, et annonce le pourrissement imminent d’une sociĂ©tĂ© divisĂ©e. Les thĂšmes un peu moins dĂ©veloppĂ©s de la soumission fĂ©minine et de la clairvoyance artistique complĂštent cette vigoureuse parabole. L’Ă©criture est expressionniste, les phrases savamment chantournĂ©es, longues et chargĂ©es d’incidentes. Original et prĂ©gnant. (T.R. et F.E.)