Friponnes de porcelaine

ROHMER Éric

Annie, Chantal, Paule, Claire… Fraîches, légères, désirables, naïves ou séductrices, tout occupées aux jeux et surprises de l’amour, elles sont ce continent mystérieux mais familier, ouvert à une exploration hasardeuse que le mariage banalisera un jour. Autour d’elles, les explorateurs : étudiants, employés, fils de famille, ils avancent, reculent, calculent, épient sans être vus, observant les va-et-vient de leurs propres sentiments avec curiosité. Chambres modestes ou propriété de campagne, Quartier latin ou métro, chaque lieu infuse de son ambiance le court récit. Maurice Schérer, futur Éric Rohmer (La maison d’Élisabeth, NB septembre 2007), s’est cru écrivain avant de devenir cinéaste. Étudiant en échec, il rédige ces huit nouvelles à la fin des années quarante. Une vingtaine d’années plus tard, avec une persistance confondante des thèmes, six d’entre elles deviennent Les Six contes moraux qui révèlent Rohmer au public cinéphile. Écrites dans une langue châtiée, elles sinuent avec élégance, reprennent les dialogues du quotidien où se révèle, furtivement, l’avancée des désirs. Les obsessions, les jeux pervers, la mécanique aveugle des destins dégagent une mélancolie sourde. Mais les personnages restent superficiels et les sentiments artificiels. De ces textes élusifs s’échappe le charme suranné de ce qui est passé de mode…