Eugenia

DUROY Lionel

En 1935, Eugenia, lycĂ©enne roumaine originaire de Jassy, trĂšs influencĂ©e par son professeur de littĂ©rature, rencontre Mihail Sebastian, Ă©crivain et dramaturge d’origine juive. Étudiante puis journaliste Ă  Bucarest, elle noue avec lui et, jusqu’à sa mort en 1945, une relation amoureuse compliquĂ©e. TĂ©moin trĂšs impliquĂ© de la seconde guerre mondiale, horrifiĂ©e par l’extermination des Juifs roumains, c’est en femme libre qu’elle Ă©crit leur histoire et s’interroge sur l’origine du mal.  Lionel Duroy (L’Absente, NB novembre 2016) bĂątit ce rĂ©cit sur le jeu des contraires. Passif, mĂ©lancolique, le dramaturge se heurte Ă  l’intensitĂ©, l’ardeur, la soif d’engagement de la jeune femme. Aux antipodes des idĂ©es xĂ©nophobes de sa famille, de son frĂšre acquis Ă  l’idĂ©al nazi, elle analyse le comportement de compatriotes sans remords, ni mĂ©moire, ayant participĂ© aux pogroms de Jassy en juin 1941. S’appuyant sur des faits historiques avĂ©rĂ©s, Eugenia rappelle le basculement tragique d’une sociĂ©tĂ© raffinĂ©e, cultivĂ©e, dans le fascisme puis le communisme. Retours en arriĂšre, Ă©vocation douloureuse de Cioran et d’Eliade, confrontations avec Malaparte illustrent cet ouvrage Ă  l’écriture expressive et aux images rĂ©alistes et dures. Il fait le portrait attachant d’une hĂ©roĂŻne intransigeante, douloureuse et impuissante, qui habite totalement ce roman dense et enrichissant. (A.C. et B.T.)