Des mots jamais dits

BÉROT Violaine

De l’amour fou d’un couple naĂźt une enfant au visage difforme, dont la mĂšre se dĂ©tourne dĂšs les premiers cris, mais que le pĂšre avec tendresse prend dans ses bras. La « vilaine petite fille » grandit et, assumant son rĂŽle d’aĂźnĂ©e, prend en charge ses nombreux frĂšres et soeurs, soucieuse d’Ă©pargner Ă  sa mĂšre la fatigue et le bruit. Elle endosse les responsabilitĂ©s sans hĂ©siter, s’isolant de ses camarades de classe, rĂ©pondant ainsi implicitement Ă  l’exigence du pĂšre qui n’a d’yeux que pour sa femme. Lorsqu’elle parvient Ă  l’adolescence, ses forces dĂ©clinent brusquement et bouleversent l’ordre des choses au sein de la maisonnĂ©e.  Violaine BĂ©rot, remarquĂ©e pour son talent d’écriture dans Jehanne (NB mars 1995), explore avec finesse et poĂ©sie l’ñme d’une fillette, blessĂ©e par le rejet maternel et fascinĂ©e par l’indĂ©fectible amour qui unit ses parents. Le parti pris narratif – « elle » alternant avec l’indĂ©fini « on », et l’absence de dialogues – crĂ©e une distanciation froide mais efficace. Il souligne avec force la rigueur de fer que s’impose l’hĂ©roĂŻne qui passe Ă  cĂŽtĂ© de son enfance et ne se dĂ©gage du carcan familial qu’au prix d’une jeunesse criblĂ©e de doutes et de questionnements. Un rĂ©cit aux allures de conte oĂč la difficile libĂ©ration d’une jeune femme et sa renaissance prennent un goĂ»t doux-amer, mais savoureux. (P.H. et A.-M.D.)