Comme une luge, le temps file à toute allure dans une vie qui n’est qu’ennui et souffrance. Ils n’ont pourtant que la cinquantaine, les personnages de ce bref roman qui sombrent dans les affres de la vieillesse. L’un, philosophe, spécialiste de Spinoza et qui évoque des hommes connus, se réfugie, selon sa femme, dans la folie. Elle, constatant le naufrage de son couple, déprime, en un désert intérieur où tout n’est qu’exaspération. L’ami se réfugie dans un quotidien dérisoire. Dernier monologue : une psychiatre leur répond avec une petite histoire, une sorte de parabole nostalgique et sombre.
Dans le genre désenchanté qui rappelle Adam Haberberg (NB mars 2003), et contrairement à Nulle part (voir analyse ci-dessous), c’est la part d’ombre de l’oeuvre littéraire de Yasmina Reza qui émerge de nouveau. Ces portraits de personnages, intellectuellement brillants, dans l’aisance matérielle, mais au coeur sec, sont remarquablement dessinés, d’une écriture dépouillée. Comme d’habitude, dans ses romans ou au théâtre, l’auteure parle aussi de nous, c’est ce qui fait qu’elle fascine, même dans ses morceaux les plus noirs.