Contre-jour

PYNCHON Thomas

Le rĂ©cit commence Ă  l’Exposition de Chicago en 1893, avec un Ă©quipage d’aĂ©ronef sorti d’un album d’HergĂ©. TrĂšs vite, le style se diversifie, tour Ă  tour burlesque, poĂ©tique, canaille, philosophique, parodique, scientifique. L’histoire s’amplifie, en une arborescence quasi-dĂ©mentielle, des mines du Colorado Ă  la rĂ©volution mexicaine, de Londres Ă  Venise, des Balkans Ă  l’Asie centrale. Les personnages, historiques parfois, surgissent, disparaissent, se croisent : anarchistes dynamiteurs, espions, grĂ©vistes, joueurs et tueurs professionnels, trafiquants d’armes, nymphes de saloon, mathĂ©maticiennes voluptueuses, saltimbanques, capitalistes ignobles, chien lecteur, professeurs Nimbus
 Les ruptures sont continuelles. Une tentative d’assassinat dans un bac de mayonnaise cĂŽtoie les spĂ©culations mathĂ©matiques, mĂ©taphysiques ou Ă©sotĂ©riques les plus ardues. La pornographie la plus inventive succĂšde Ă  l’amour fou, le drĂŽle au tragique. Dans cette fresque gigantesque – elle se termine vers 1920 – une cohĂ©rence paradoxale se maintient Ă  travers une famille de mineurs amĂ©ricains dont les fils veulent venger leur pĂšre syndicaliste exĂ©cutĂ©.

 

Progressant difficilement dans ce continent littĂ©raire, le lecteur abasourdi y voit surgir par Ă©clairs le reflet de l’AmĂ©rique et du monde actuels : technologies destructrices, capitalisme inhumain, exploitation des pauvres, catastrophes Ă©cologiques, toutes les menaces modernes sont lĂ  et le futur esquissĂ©. Quelques rescapĂ©s maĂźtriseront-ils une mystĂ©rieuse quatriĂšme dimension pour circuler Ă  travers le temps et l’éther ? HĂ©ritier des grands romanciers amĂ©ricains du tournant du XXe siĂšcle, le gĂ©nial et visionnaire Thomas Pynchon (dĂ©jĂ  reconnu dans Mason & Dixon, NB dĂ©cembre 2001) fait trembler.