Avec les hommes

À Brest, l’écrivain signe ses livres. Rue de Siam, dans un bistro, il retrouve après bien des années Paul Rubinstein, son condisciple de Normale Sup, qui lui raconte sa vie, sa pauvre vie de raté, d’exclu. Anéanti par une déception amoureuse, Paul a fait la désastreuse expérience d’un kibboutz de Galilée, offrant en sacrifice ses souffrances pour le vain retour d’une bien-aimée perverse. Solitude et désenchantement enracinés le conduisent dans cette Bretagne où, plus tard, il accepte un destin classique, enfin rassuré par une femme aimante. Ce récit, l’écrivain l’écoute, le transforme, le fait sien, l’écrit. La confession engendre un jeu de miroir où le narrateur-auteur à la vie terne, aux sentiments chétifs vit par procuration, élaborant histoire et pensées d’un héros à la sensibilité blessée. L’écriture l’immortalise, valorise son existence. Pour traduire cette interaction, les phrases coulent, riches, les formules définitives brillantes et jamais banales s’enchaînent autour du thème « faut-il opposer vie et littérature ? ». Déjà souligné dans Les successions (NB octobre 2011), le style a du souffle. Un court roman très réussi.