Assommons les pauvres !

SINHA Shumona

Elle a agressĂ© un homme d’un coup de bouteille sur la tĂȘte et maintenant, dans sa cellule de garde Ă  vue oĂč pendant l’interrogatoire de monsieur K., elle se raconte ses sensations, ses sentiments, son quotidien de « jongleuse de mots » venue d’ailleurs. Elle est traductrice auprĂšs des migrants en quĂȘte d’un droit d’asile, troupeau pitoyable et indistinct, partageant les mĂȘmes laborieux mensonges. Elle est ce lien impossible, tendu jusqu’à se briser, entre deux mondes qui ne se comprendront jamais
 Elle-mĂȘme, avec son ironie, sa luciditĂ©, son refus du lointain passĂ©, appartient dĂ©sormais Ă  la ville, et rĂȘve des yeux bleus d’une femme.

 

Bengalie, Shumona Sinha Ă©crit un français subtil. Ici, il est parfois travaillĂ© jusqu’à la prĂ©ciositĂ©. L’univers intĂ©rieur de l’hĂ©roĂŻne, qui lui ressemble sans doute, est pĂ©nĂ©trĂ© jusqu’à la complaisance. Et le fait divers, contrastant avec l’ampleur du sujet – la pauvretĂ©, les migrations, l’écart infranchissable entre cultures, l’exil –, peine Ă  aller jusqu’au bout. DerriĂšre l’histoire trop personnelle, ces thĂšmes affleurent sans cesse, Ă©voquĂ©s Ă  la fois avec une intelligence cynique et une sensibilitĂ© dĂ©chirĂ©e. Curieux et intĂ©ressant mĂ©lange.