Tropique de la violence

APPANAH Nathacha

À Mayotte, Marie, infirmiĂšre blanche, dĂ©sespĂ©rĂ©e par sa stĂ©rilitĂ©, adopte un bĂ©bĂ© noir abandonnĂ© par une jeune clandestine, nĂ© – signe du diable – avec des yeux vairons. L’enfant grandit choyĂ©, Ă©duquĂ©, instruit : il aime les livres. À l’adolescence, la mort subite de sa mĂšre provoque une rupture. En quĂȘte d’identitĂ©, il rejoint une bande de jeunes qui sĂšme la terreur Ă  « Gaza », bidonville prĂšs de Mamoudzou. Sans repĂšres, sans amour, MoĂŻse subit, sous l’influence du chef autoproclamĂ©, d’atroces violences qu’aucun souvenir ou rencontre comprĂ©hensive ne parviendront Ă  effacer.  Dans ce roman polyphonique, Ă  la construction efficace, chaque personnage – fĂ»t-il mort – rĂ©vĂšle progressivement son destin et contribue Ă  retracer la descente aux enfers de cet enfant dĂ©racinĂ©, sous les cieux paradisiaques d’une terre française laissĂ©e Ă  l’indiffĂ©rence de politiciens corrompus ou impuissants. Les Ă©pisodes d’inhumanitĂ©s et de barbarie, difficilement soutenables, sont attĂ©nuĂ©s par de jolis moments de mĂ©lancolie ou de tendresse. L’écriture concise et vigoureuse de Nathacha Appanah (En attendant demain, NB mars 2015) brosse une fresque rĂ©aliste, aux images fortes, façonne ce rĂ©cit puissant et accompagne la montĂ©e en tension de cette tragĂ©die Ă  l’Antique dominĂ©e par la fatalitĂ©. (A.C. et M.-N.P.)